La monographie d’Astugue -
En 1886, la ville de Toulouse décide d'organiser "une exposition internationale sous le patronage de l'Etat" : Tous les instituteurs titulaires sans exception devront envoyer à l'inspection académique les monographies de leur commune...
I -
Le territoire d'Astugue
est très accidenté. Il est formé de coteaux s'entrecoupant en tous sens, et dont
les pentes, quelques-
Entre
les coteaux se dessinent de petites gorges où serpentent des filets d'eau de peu
d'importance, mais qui viennent grossir les eaux pluviales et qu'on utilise pour
l'irrigation. L'un d'eux, la Géline, alimente deux moulins pendant une partie de
l'année.
Quelques sources entourées par des ouvrages en maçonnerie, fournissent l'eau
nécessaire aux besoins publics. Les principales sont celles de Tudelle, du Hérêchou,
patois de frêne, et de la Hount-
Astugue est
à une altitude d'environ 580 mètres. Son climat est très variable comme du reste
dans toute cette région des montagnes. En hiver il est un peu froid, mais pendant
les autres saisons, on y jouit d'une température assez douce et assez régulière.
Les
vents du sud et du sud-
II -
La commune se divise en quartiers qui tirent leur nom, soit de leur position, soit
de particularités propres à quelques-
Du Luscarda, sans doute du mot patois Cardous, (chardons autrefois nombreux dans
cette région) qui compte 28 habitants et 4 maisons ; de la Vielle ou village, 138
habitants et 32 maisons ; de Darré ou couchant par opposition à Devant ou Levant,
97 habitants et 15 maisons ; de la Serre ou lande, nom donné aux pâturages, 54 habitants
et 9 maisons ; de Carrère-
Le Conseil municipal est composé de 12 membres. Un garde-
Astugue fait partie de la perception de Pouzac dont le
titulaire réside à Bagnères et de la Direction des postes et télégraphes de cette
même ville.
La valeur du centime est de 129f.30 ; savoir : 5 centimes pour les chemins
vicinaux, soit 71f.30, et 4 centimes pour l'instruction primaire, soit 58f ; total
égal 129f.30.
La commune a peu de revenus ordinaires : ce sont les produits de la
vente des thuyes, fougères et châtaignes et les taxes affouagères donnant à peu près
la somme de 200f.
III -
Les procédés de culture sont très primitifs.
Le labourage se fait avec l'araire espèce de charrue dont le soc en bois est revêtu
d'une armature en fer, et la charrue proprement dite de la plaine. La herse grosse
et moyenne est employée pour ameublir la terre.
Les bois sont de peu d'importance.
Deux appartiennent à la commune et sont exploités directement par les habitants qui,
chaque année, en abattent une certaine étendue partagée entre eux par feux allumants
: c'est la coupe affouagère. Une légère taxe est versée à la caisse municipale. Ces
bois sont indépendants du Régime forestier depuis 1854. Les principales essences
sont : le chêne, le frêne, le hêtre, le bouleau et l'aulne qu'on rencontre dans les
bas-
Le reboisement s'opère en laissant pousser les tiges qui croissent sur
les souches et par quelques plantations.
Dans les terrains exposés au midi, on voit
quelques vignes qui, autrefois donnaient un bon petit vin de consommation courante.
Mais depuis quelques années, cette récolte est complètement nulle. Le mildew et la
variabilité des saisons empêchent le raisin de mûrir.
L'élevage des bestiaux est la
principale ressource des habitants. Les brebis, moutons et vaches y sont très nombreux.
Les immenses prairies et pâturages, la proximité de la montagne leur facilitent ce
genre d'occupation. L'engraissage des porcs est aussi fort important.
La disparition du gibier rend la chasse à peu près insignifiante. On n'y trouve que
quelques oiseaux de passage : la pie de mars au commencement du printemps et la caille
vers la fin de l'été. Il en est de même de la pêche : l'empoisonnement des cours
d'eau a complètement détruit le poisson.
Malgré la présence de la roche schisteuse,
l'exploitation des carrières laisse à désirer. L'année dernière seulement ont été
entreprises des fouilles qui ne donnèrent guère de résultats satisfaisants.
La seule
industrie est la fabrication pendant l'hiver surtout, de certains objets en bois
: râteaux, manches d'outils et colliers pour bêtes à corne. Aux confins de la commune
existe un petit moulin à eau sur la Géline.
Le territoire d'Astugue est sillonné de
chemins dont la plupart mènent aux villages voisins. Ce sont les chemins d'Arrayou,
de Trébons, de Loucrup, de Montgaillard, d'Orincles, de la Ruhian, quartier de la
commune, d'Arcizac-
Pour se rendre aux
grands centres voisins, Bagnères, Lourdes et Tarbes, on se sert de voitures à deux
roues appelées jardinières. Mais les ânes sont surtout le mode de transport le plus
commun. Toutefois on utilise encore la voie ferrée qui passe à Montgaillard lorsqu'on
va à Tarbes ou autres lieux près de la ligne.
Le commerce consiste dans la vente de
bêtes à laine, bêtes à corne, beurre et produits de la basse-
IV -
D'après la tradition,
Astugue avait un seigneur célèbre surtout par sa sévérité ou plutôt sa cruauté :
on l'appelait le comte d'Astugue. Entr'autres privilèges, il avait celui de disposer
de la mariée, la première nuit de ses noces. On raconte qu'à la suite d'une de ces
cérémonies, l'époux s'étant montré peu accommodant, fut arrêté et pendu près de sa
propre maison, et défense faite aux parents d'enlever le corps. Cette malheureuse
victime des mœurs féodales était un nommé Péruilhou, nom qu'on donne encore à une
grange près de laquelle il avait été exécuté. Autrement le lieu ordinaire de ces
actes de barbarie et d'iniquité ; était un monticule appelé Castéra, de castet, château,
et où se trouvaient quelques vieux chênes servant aux pendaisons.
Ce seigneur possédait
la majeure partie du territoire de la commune. A l'emplacement du château dont une
partie existait il n'y a que quelques années, est bâtie aujourd'hui une belle maison
qui porte le nom de Castet, patois de château.
La langue ordinaire est le patois,
idiome qu'a illustré notre poète pyrénéen Despourrins par ses chansons pastorales.
Aujourd'hui
les chants en français sont les seuls qu'on entend. Les mœurs sont simples : la vie
de pasteur rend l'habitant serviable et hospitalier. La religion catholique est le
seul culte professé. Le costume ordinaire est l'habit moderne : pantalon large et
veston de préférence en laine. La cape, grand manteau de même étoffe forme le complément
de l'habit du berger. La nourriture se compose en grande partie des produits du pays.
Le lait de vache dont on fait une sorte de pâte avec la farine de maïs et la pomme
de terre sont les plus utilisés.
Les archives communales ne renferment aucun document
pouvant servir à l'histoire de la commune.
Annexe au titre IV -
Depuis au moins l'an 1800, Astugue a un instituteur
agréé par l'administration. Quoique alors la commune eut une population d'environ
700 habitants, l'instruction était commune aux jeunes gens des deux sexes. Il s'en
suivait que le maître avait sous sa direction jusqu'à 100 élèves. Ce n'est qu'en
1857 qu'une institutrice fut nommée sur la demande du conseil municipal. Seulement
comme il n'y avait pas de local, on afferma une maison particulière pour la salle
de classe des filles et le logement de la maîtresse.
Le local servant aux garçons
était aussi de beaucoup insuffisant. Attenant au presbytère, sans doute pour que
les faits et gestes du maître pussent être contrôlés par le Curé, il se composait
de deux petites pièces, l'une pour le logement et l'autre pour la salle de classe.
Les
progrès toujours croissants de l'instruction ayant fait reconnaître la nécessité
d'un agrandissement, le commune réalisa quelques ressources, et, avec un petit secours
de l'Etat, 3000f environ, restaura la maison d'école.
Le projet de l'architecte la
divisait ainsi : 2 pièces au rez-
Mais cet
effort ayant épuisé les revenus de la commune, et ne voyant pas la possibilité de
payer à l'avenir le loyer de la maison des filles, on décida, d'accord avec l'administration,
d'affecter la partie réservée aux archives pour le logement de l'institutrice et
la chambre du Conseil pour la salle d'école des filles. Cette modification ne devait
être que provisoire, cependant il est à supposer qu'elle le sera pour de longues
années encore, si l'Etat ne vient pas au secours de la commune.
Ainsi qu'on vient de le voir, les besoins sont loin d'être satisfaits. De plus, l'absence
de toute espèce de préau vient encore aggraver le mauvais état des lieux, quand on
songe que, pendant l'hiver, les enfants dont la plupart viennent de fort loin, passent
toute la journée à l'école. Où prendre leurs ébats lorsqu'il fait mauvais temps ?
Forcément la salle d'école doit leur servir de lieu de récréation.
La fréquentation
est assez régulière, mais seulement en hiver et une partie du printemps. Le restant
de l'année, les enfants sont occupés à garder les troupeaux, pendant que les parents
se livrent aux travaux des champs si pénibles dans ce pays.
Pourtant on constate que
l'instruction fait des progrès assez rapides. Peu de jeunes gens aujourd'hui sont
illettrés. La dernière conscription comprenait 10 individus qui tous savaient lire
et écrire à l'exception d'un sourd-
Les
écoles d'Astugue n'ont ni caisse des écoles ni caisse d'épargne. Les maîtres ne jouissent
que du traitement légal.
Pour les améliorations à réaliser, la commune ne dispose
d'aucune ressource. Tout ce qu'on pourrait demander, ce serait une souscription volontaire
de la part des habitants.
Astugue le 8 avril 1887.
L'instituteur, Duboé-
Commune d'Astugue
Département des Hautes-
Copie du cadastre