La monographie de Bénac -
En 1886, la ville de Toulouse décide d'organiser "une exposition internationale sous le patronage de l'Etat" : Tous les instituteurs titulaires sans exception devront envoyer à l'inspection académique les monographies de leur commune...
La commune de Bénac est bornée par les communes de Lanne et d'Averan ; à l'Ouest,
par celles de Louey et Hybarette au Nord, par celle de St Martin et Visker à l'Est
et par celles de Layrisse, Barry et Orincles au Sud. Son étendue est de 765 hectares
environ.
Bénac dépend du premier arrondissement et du canton d'Ossun ; elle est à
six Kilomètres environ de celui-
Comme tous les villages
remontant à une haute antiquité, Bénac possède ses traditions et les restes d'un
château féodal, témoignent de son renom. Sur un coteau verdoyant se dressent encore
quelques murailles qui défient le temps, ce grand destructeur.
A l'époque de la féodalité,
le seigneur de Bénac acquit ses titres de Chevalier à la troisième croisade. Une
pierre servant de fronton, a conservé cette légende que M. Taine reproduit quand
il parle du Sire de Bénac. " Etant resté sept ans captif en terre sainte, le démon
à Bénac dans trois jours m'a porté. Mais déclarant mon nom, on me taxe de feinte.
Pour couvrir un hymen et sa déloyauté, mon vieux lévrier j'appelle. C'est le seul
témoin que je trouve fidèle. Démon ce plat de noix paiera ton transport ; et maintenant
songeons à la mort, je m'en vais me préparer à ce que ton emploi me fait d'inquiétude.
"
Au centre de la commune s'élève une antique église du XIe siècle qui rappelle le
style primitif de nos monuments : le style roman. Ce qui la distingue à l'intérieur
c'est un baldaquin avec des colonnes et des chapiteaux remarquables. Une tour baissée,
jadis servant de télégraphe et aujourd'hui de beffroi semble garder le temple sacré
comme une sentinelle vigilante et austère.
A l'époque des guerres de Religion, vers
l'année 1574, la Bigorre gémissait dans la consternation et dans le deuil. : Le protestantisme
semait à travers la France le carnage et la dévastation. Les églises étaient brûlées,
les abbayes saccagées, les paroisses rançonnées et les habitants massacrés. Tout
semblait perdu et Bénac allait voir son église et son monastère de Bénédictins brûlés.
Heureusement, dans le château-
Autour de l'édifice sacré sont groupées les maisons
aux toitures pointues, couvertes d'ardoise, autrefois de chaume. Quoique les habitants
soient sans initiative, le progrès néanmoins s'y manifeste sous ce rapport-
De la place qui se trouve au levant
de l'église et où croissent une douzaine d'élégants tilleuls qui la couvrent de leurs
branches touffues et l'embaument de leurs plus doux parfums, se dirigent des rues
et des ruelles en tous les sens. Celles-
Une surveillance plus soutenue de l'administration locale pourrait remédier à ce
triste état de choses. L'instituteur a beau recommander à ses élèves la bonne tenue
des habitations et de leurs alentours ; ses conseils sont méconnus et traités de
rêves. Espérons cependant que le bon exemple portera ses fruits et que le siècle
ne finira point sans que tout le village n'emprunte un aspect tout nouveau.
Voici
maintenant l'école : Elles est bien au centre de la localité, à quinze mètres de
la rivière de l'Echez, à vingt-
Les habitants de Bénac sont des gens assez gais,
calmes et de mœurs assez pures ; leur nourriture est substantielle ; aussi il ne
faut pas chercher chez les hommes, ni des souteneurs de jeux ni des piliers de cabarets
où l'ouvrier dépense le pain de ses enfants. A peine le dimanche soir rencontre-
Le suffrage universel qui nous régit en France a conquis à Bénac, comme ailleurs,
son droit de cité. L'empressement que les électeurs mettent à se rendre aux urnes
montre suffisamment l'importance qu'on attache, soit aux affaires locales, soit aux
affaires du pays. S'il y a encore quelques illettrés, l'amour de la famille, celui
de la patrie, et le désir de ne pas faire un monde à part, permettront à nos compatriotes
de se rendre un compte plus exact de l'importance et de la grandeur des devoirs du
citoyen d'un pays libre. Alors sera réalisée cette parole de M. Duruy : " Dans le
pays du suffrage universel, tout citoyen doit savoir lire et écrire. "
L'instruction
ne manque pas en France ; il y en a ; et ce qui fait défaut généralement, c'est le
but visé. Il est donné aux jeunes gens d'aujourd'hui une instruction soignée ; toutes
les matières des nouveaux programmes sont généralement vues et sues ; toutes sont
utiles et non nécessaires. Il faudrait instruire les enfants sur la profession qu'ils
doivent embrasser, nous souhaitons que l'instruction soit professionnelle.
Ainsi à
Bénac ce serait vers la partie agricole qu'il faudrait tourner les vues de l'enfant,
l'agriculture étant l'unique occupation de l'habitant. Le seul obstacle qui se dresse
devant nous, c'est la routine ; mais les pères de famille, défiants au début, se
rallieront, il faut l'espérer, aux procédés nouveaux ; ils feront répéter à leurs
enfants, les conseils et les enseignements donnés en classe, et ils les mettront
en pratique. Les expériences et le temps sont deux excellents maîtres.
Nous avons
dit plus haut que la population de Bénac est essentiellement agricole ; que son territoire
se divisait en terrains francs, terrains calcaires, siliceux et argileux ; ce dernier
a la plus forte contenance. Les principales récoltes sont le froment, le méteil,
le seigle, l'avoine, le maïs, les pommes de terre et le millet : on y cultive très
peu le sarrasin, le lin et les plantes oléagineuses. Autrefois il y avait dans les
vignes du bon vin blanc en quantité suffisante pour la consommation des habitants
de la localité ; aujourd'hui, elles ne donnent plus ou à peu près, et les gens souffrent
considérablement de cette privation. Il y a encore à Bénac beaucoup de châtaignes
et d'une qualité excellente, bien appréciée dans le commerce et d'une très grande
utilité pour l'engrais des animaux.
Sur le bord de la rivière qui partage la commune en deux parties à peu près égales,
se trouvent de belles et vastes prairies arrosables, donnant des fourrages en quantité
pour l'entretien des animaux des espèces, chevaline, asine, bovine et ovine : Bénac
n'a pas de Commerce proprement dit ; néanmoins il y a les avantages de la ville.
On peut, à toutes les saisons de l'année, s'approvisionner en viande en pain, même
en vin, naturel ou falsifié. Il y a des épiciers et des ouvriers de toutes les professions.
C'est
par les villes de Tarbes et de Lourdes que s'écoulent les produits agricoles de la
contrée et de la commune. Les jours de marché, on voit d'interminables files de charrettes
attelées d'un cheval ou d'ânesses, se diriger vers la ville, et chargées de maïs,
de pommes de terre, de haricots, etc.
Mais depuis quelques années que de plaintes
entendent ce jour-
Quant au bétail il fait
tout l'espoir du bon villageois ; c'est là que réside toute sa ressource : on compte
beaucoup de vaches, peu de bœufs, beaucoup de juments, quelques troupeaux de brebis
et beaucoup de porcs.
La vache rend d'importants services, par son travail surtout,
par son lait et par ses produits. C'est un animal qui résiste au travail et qui sait
se contenter de peu pour sa nourriture. Rarement on se sert des chevaux pour la culture
de la terre et les travaux agricoles ; il ne sert qu'à traîner les voitures particulières,
car il n'y en a pas de publiques.
Quelques troupeaux de brebis et de moutons viennent
tacheter pendant quelques mois, nos plaines, nos collines et nos coteaux ; mais cela
dure peu. Dès que la tonte est faite et les jeunes agneaux vendus, le propriétaire,
au commencement du printemps, revend sa troupe.
Il y aurait à réformer en agriculture
une grande partie des instruments agricoles qui remplissent mal leur but ; mais l'emploi
d'instruments perfectionnés n'est guère possible non plus, à cause des accidents
du territoire et de la nature des terrains.
Disons que la situation pourrait considérablement s'améliorer par quelques mesures
faciles dont voici l'énumération : -
Sous le rapport de sa situation, Bénac a été admirablement
bien doté par la nature ; son climat est assez tempéré ; les voies de communication
sont en bon état ; mais la production est insuffisante ; c'est ce qui explique la
diminution de la population constatée par les dénombrements qui ont été faits depuis
vingt ans. Alors le chiffre de la population s'élevait à près de 1000 habitants ;
aujourd'hui il n'est plus que de 700 environ. Les gens sont obligés d'aller chercher
ailleurs ce que le sol natal n'a pu leur fournir ; il n'est pas rare de voir des
familles entières quitter leurs foyers pour aller chercher fortune à l'étranger.
Bénac
est au centre des neuf communes qui formaient l'ancienne Baronnie féodale et communique
avec toutes par des routes très bien entretenues et partout carrossables : c'est
le plus grand progrès qui s'est accompli dans le pays.
La perception des impôts se
fait par un percepteur résidant à Bénac.
Sur le parcours de la rivière (l'Echez) la
commune possède trois moulins à farine, une batteuse à grains et deux scieries à
bois. Un pont en pierre de taille, construit il y a un demi-
Pour le culte, la commune est
desservie, de temps immémorial, par un prêtre à résidence et un vicaire.
Bénac possède
également un bureau de postes géré par une receveuse.
L'enseignement primaire à l'école des garçons est donné par un instituteur titulaire
et un adjoint. L'installation est incomplète et défectueuse sous tous les rapports,
car l'école n'a que 45 mètres carrés de superficie pour contenir une moyenne de cinquante
élèves avec deux maîtres. Le logement de l'instituteur se trouve au premier étage,
sur la classe et n'est composé que d'une petite cuisine et d'une chambre à coucher,
plus petite que la précédente. Que l'administration juge des améliorations qui y
seraient nécessaires. Malgré cela, l'enseignement s'est maintenu et le nombre des
illettrés dorénavant ne sera plus à compter ; il n'y en avait même pas parmi les
conscrits de la dernière année.
L'école des garçons a, depuis 1874, une bibliothèque
qui contient une cinquantaine de volumes que l'état a donnés.
Malgré les conseils
réitérés des maîtres la caisse d'épargne scolaire et la caisse des écoles n'entrent
ni dans les mœurs des parents ni des enfants.
Pour l'enseignement des filles, il y
a une religieuse nommée institutrice publique et deux adjointes officieuses. L'installation
de cette école est superbe sous tous les rapports, mais il n'appartient pas à la
commune.
Le traitement des trois fonctionnaires de l'enseignement primaire est de
1300f pour l'instituteur titulaire ; de 700f pour l'instituteur adjoint et de 900f
pour l'institutrice.
La commune paie le loyer pour le maître adjoint ; c'est tout
le sacrifice qu'elle s'impose.
Pour réaliser les améliorations nécessaires la commune devrait faire le sacrifice d'une douzaine de mille francs, ce qu'elle ne peut ni ne veut faire. Si elle avait eu bien à cœur de réparer ce qui est trop exigu et défectueux, d'acheter un local nouveau ou de construire à neuf, elle n'aurait pas laissé échapper les bonnes occasions que le Gouvernement a offertes aux communes pendant plusieurs années de suite. Malgré cette indifférence regrettable, il faudra bien que la commune prenne des mesures, à l'occasion du local des filles, lorsque la loi du 30 octobre 1886, sera mise à exécution. Le local actuel appartenant à une congrégation religieuse, la commune devra louer ; acheter ou construire : Voilà la situation de la commune de Bénac sous le rapport des établissements d'instruction primaire. Nous faisons les vœux les plus ardents pour que les générations à venir soient plus heureuses et mieux partagées que celles qui se sont succédé jusqu'à ce jour.
Bénac, le 8 avril 1887.
L'instituteur, J. Fréchou
Commune de Bénac.
Plan de l’école
Copie du cadastre