La monographie de Visker -
En 1886, la ville de Toulouse décide d'organiser "une exposition internationale sous le patronage de l'Etat" : Tous les instituteurs titulaires sans exception devront envoyer à l'inspection académique les monographies de leur commune...
I -
C'est un joli petit village dont les limites sont
: au Nord, les communes de St Martin et de Bénac, au Sud celles de Loucrup et de
Hiis ; à l'Est, celle d'Arcizac-
Le village
ne présente aucune curiosité naturelle bien remarquable, mais il jouit d'une vue
admirable sur la plaine fertile de l'Adour, sur celle de l'Echez et sur la chaîne
des Pyrénées, dont le splendide panorama se dessine du côté du Sud.
Il pourrait se
diviser en deux régions assez distinctes. La partie méridionale forme un plateau
qui comprend une faible partie de la commune ; la partie septentrionale, au contraire,
plus importante que la première est très accidentée. Le sol généralement assez fertile,
présente aussi une inclinaison générale qui va du Sud au Nord.
Du côté du couchant,
au fond d'une profonde et étroite vallée, coule le petit ruisseau de l'Aube qui prend
sa source dans le territoire de Loucrup et sert de limite aux deux communes de Layrisse
et de Visker.
Plusieurs moulins sont situés sur ce cours d'eau qui après avoir fertilisé
les prairies riveraines, va se jeter dans l'Echez, à Hibarette, après un cours de
8 kilomètres.
Visker est à une altitude d'environ 500 mètres. Le climat est généralement
modéré ; les chaleurs y sont moins fortes et les froids moins rigoureux que dans
beaucoup de communes environnantes. La température y est aussi très saine. Les nombreux
cas de vieillesse que l'on rencontre dans cette petite commune sont une preuve convaincante
de cette dernière affirmation. A l'heure actuelle, on y compte 10 octogénaires, et
il y a moins de quatre ans, on en y trouvait 30 et trois nonagénaires qui frisaient
la centaine.
Les vents dominants soufflent du Nord et de l'Ouest.
Ceux de l'Ouest
amènent souvent la pluie et, à la saison, parfois la grêle.
II -
Les habitants semblent être en général très sociables
et très sensibles. Mais il ne faut pas trop se fier à leur bonhomie apprêtée, car
rarement on trouve l'hypocrisie et la fourberie poussées jusqu'à une pareille limite.
Ils
veulent paraître fiers, indépendants, et nulle part on n'est plus asservi : la parole
d'un chef de parti ou celle du prêtre pousserait à des excès ces entichés de bigotisme
qui, à l'occasion, ne manqueraient pas non plus, en se donnant d'un autre, de retourner
leurs flèches empoisonnées contre le précédent chef qui les aurait conduits à la
bataille.
La piété dont ils ont parade n'est qu'une vertu simulée dont ils font usage
pour mieux tromper.
Ils assistent, hommes et femmes, avec la plus grande régularité,
à tous les exercices du culte dans la pratique auquel il semble qu'ils vont sans
cesse renouveler leurs forces pour la tromperie et la diffamation.
La commune qui
fait partie de la perception de Bénac est desservie pour le culte par un desservant
de Montgaillard.
La valeur du centime est de 0.18524 et les revenus communaux qui
sont insignifiants ne suffisent pas à établir la balance du budget communal pour
l'équilibre duquel il faut avoir recours chaque année à une imposition extraordinaire.
III -
La routine
avait porté pendant bien longtemps les plus funestes effets à l'agriculture. Mais
aujourd'hui, grâce à l'influence et à l'exemple de quelques bons propriétaires, la
culture est faite d'une manière assez intelligente. On travaille à la mise en valeur
de terrains incultes ; les nouvelles méthodes sont entrées dans les goûts des agriculteurs
et il n'y a plus qu'à regretter que le morcellement de la propriété ou le manque
d'entente entre les propriétaires ne permette pas l'emploi des machines dont l'agriculture
dispose aujourd'hui.
Je dois cependant dire, au risque d'être banal, car ceci est
de bon augure pour l'avenir, qu'une petite association mutuelle s'est formée ces
dernières années entre quelques petits propriétaires pour le dépiquage du grain,
grâce à l'intelligence et active initiative de M. Carret, ancien maire et riche propriétaire
de la localité.
Cette association a déjà produit les meilleurs résultats et l'exemple
des modestes propriétaires sera suivi des gros, car d'autres sociétés du même genre
sont déjà en voie de formation.
Les récoltes des diverses céréales est loin de suffire
aux besoins de la consommation locale ; mais les fruits, les pommes de terre, les
châtaignes suppléent à l'insuffisance des graines et sont même un revenu assez important
pour certains propriétaires. Les vignobles produisent un excellent vin blanc qui,
pour la qualité, ne le cède en rien aux meilleurs crus du département.
Mais le rendement
du vin qui, comme celui des céréales, suffisait largement autrefois à tous les besoins
de la consommation locale est réduit aujourd'hui à un produit insignifiant. Le phylloxéra,
c'est vrai, a épargné jusqu'ici la précieuse plante, mais les ravages du moins clément
mildew sont on ne peut plus considérables.
Fort heureusement, le remède au mal sera
peut-
Les forêts communales n'ont pas une grande importance
et ne sont pas soumises au régime forestier ; elles sont pour essences le châtaignier
et le chêne ; leur revenu annuel n'est que d'une moyenne de 60 francs.
L'élève des
animaux domestiques forme la seule industrie communale. Chaque maison a son troupeau,
grand ou petit, lequel est composé, suivant le degré, de fortune du propriétaire,
d'un nombre plus ou moins considérable de bêtes à laine et de bêtes à cornes appartenant
toutes à la race auroise ou à celles de Lourdes.
La commune est desservie par trois
routes principales : le chemin de Gde Communication N° 25 d'Ossun à Bagnères qui
la traverse dans toute sa longueur ; le chemin d'intérêt commun N° 3 qui conduit
à la route nationale N° 135, à travers le village de St Martin, et le chemin d'intérêt
commun N° 54, d'Arcizac-
Le développement total de ces diverses voies
de communication est de 13 kilomètres à travers le territoire de la commune.
IV -
Un jour, en effet, dit la légende, le seigneur suzerain
s'adressant à son vassal du lieu qui fut plus tard Visker, aurait demandé à celui-
-
Eh bien, alors, répliqua le suzerain, ce lieu s'appellera
Bisquer.
Ce nom est, en effet, celui dont on désignait la commune au commencement
du siècle, et Visker ne serait donc qu'une corruption du mot Bisquer.
Quant au château,
sur les ruines duquel a été bâtie une modeste maison et au rôle que le seigneur peut
avoir joué dans l'histoire locale, les vieillards n'en ont gardé aucun souvenir,
même confus. Ils savent seulement, par la tradition, que le château a été incendié
à une époque déjà reculée et que deux femmes périrent dans les flammes.
C'est vers le commencement de ce siècle que nous trouvons les premières traces de
l'enseignement primaire dans la commune. Toutefois, la première école régulièrement
tenue dans la localité ne semble dater que de 1817 seulement. Elle était dirigée
par un certain Tourré pourvu d'un brevet de capacité du 3ème degré et qui avait été
autorisé à exercer la profession d'instituteur dans la commune par une autorisation
spéciale en date du 15 9bre 1817, de M. Jourdan, recteur de l'Académie de Pau.
Cet
instituteur qui partageait son temps entre sa profession d'instituteur et celle de
tisserand réunissait les enfants, pour leur apprendre à lire, à écrire et à chiffrer
(C'était tout ce que, d'après la législation de l'époque, pouvait enseigner un instituteur
du 3° degré), dans un taudis, comme cela se faisait d'ailleurs un peu partout à cette
époque.
C'était là, dans une grange, sous un hangar, dans un lieu infect souvent,
que le dévoué tisserand-
M. Tourré resta dans la commune jusqu'en
l'année 1832. Il fut remplacé à la tête de l'école par un certain Barbe, instituteur
du 2ème degré qui, comme son prédécesseur, avait reçu aussi l'autorisation d'exercer
la profession d'instituteur primaire dans la commune par décision du 13 août 1832
de M. Loyson, Recteur de l'académie de Pau.
Ces deux instituteurs ne recevaient d'autre
traitement que la rétribution annuelle de leurs élèves laquelle consistait en une
mesure de blé, par élève qui écrivait et en une mesure de maïs par élève qui lisait
seulement.
Il va sans dire que les parents, par raison d'économie tenaient à ce que
leurs enfants n'écrivissent que le plus tard possible.
Cet état de choses se prolongea
jusqu'à la promulgation de la loi du 28 juin 1833 qui vint tant soit peu améliorer
la position de l'instituteur. A partir de ce moment, celui-
Nous trouvons
ensuite M. Forgue qui fut agréé comme instituteur communal par délibération du Conseil
municipal à la date du 14 8bre 1835.
Cet excellent maître, ancien élève de l'école
normale de Tarbes, ne fit que passer dans la commune et céda la place à M. Murraté,
autre élève de l'école normale de Tarbes qui, dans le courant de l'année 1838, arriva
dans la commune où il a parcouru une longue carrière toute remplie d'abnégation de
soi-
Depuis 1876, trois
instituteurs ont successivement occupé le poste de la commune : M. Sabathié, actuellement
instituteur à Lanne, M. Senmartin, instituteur, à Bernac-
J'aurais garde
de chercher à faire l'éloge de mes deux devanciers. Tout ce que je saurais dire sur
leur compte ne ferait qu'amoindrir le mérite de ces maîtres si connus et si justement
appréciés.
Quant à moi qui suis venu après tant d'excellents maîtres, je ne me mettrai
sur leur rang que pour protester de mon dévouement à la cause sacrée pour laquelle
ils ont si vaillamment combattu ou combattent encore ; heureux, si je puis, non les
surpasser, mais les égaler.
La commune qui, un instant, a pu être accusée d'indifférence,
s'est montrée, depuis la promulgation de la loi du 28 juin 1833, toujours très dévouée
à la cause de l'instruction.
Aussitôt après, en effet, la promulgation de cette loi,
nous trouvons, à la date du 22 décembre de ma même année, une délibération du Conseil
municipal approuvant les plan et devis d'un projet de construction de maison d'école.
La
commune contribuait pour une large part dans la dépense de construction de cet établissement.
Mais cette construction resta au simple état de projet, l'Etat se refusant à accorder
le mince secours que la commune sollicitait.
Ce n'est pas la seule fois d'ailleurs
que l'Etat si large, je dirais presque si prodigue, dans certaines subventions qu'il
a accordées, s'est montré d'une avarice extrême chaque fois qu'il s'agit de Visker.
La
commune veut enfin en finir une fois pour toutes.
Aussi, dans le courant de l'année
1872, elle fait dresser de nouveaux plan et devis d'une maison d'école et demande
une nouvelle fois à l'administration de venir à son aide.
L'état, cette fois, consent
à délier les cordons de sa bourse. Il accorde à la commune, sur les 13000 francs
qu'a coûté la construction de cet établissement, la somme respectable ou dérisoire
de 5000 frs.
Avec un crédit aussi restreint, la maison d'école à construire ne pouvait
pas être bien luxueuse. On devait se borner au strict nécessaire et c'est ce que
l'on a fait.
La partie du local affectée au service de l'instituteur est cependant
presque suffisant, mais celle mise à la disposition de l'institutrice répond moins
aux besoins actuels de l'enseignement. La salle d'école des filles est un peu restreinte,
le logement de cette dernière un peu serré et il manque aux deux maîtres quelques
dépendances pour les dépôts qu'il peut y avoir lieu de faire.
Il serait inutile de
demander à la commune un nouveau sacrifice quelconque. Elle a fait, jusqu'à ce moment
ce qu'il lui était possible de faire. Mais si l'Etat plus généreux envers Visker
qu'il ne l'a été jusqu'ici voulait faire quelque chose, il suffirait d'un secours
de 3000 francs pour mettre les écoles en état de répondre à tous les besoins actuels
de l'instruction.
Visker, le 10 avril 1887.
Daléas
Plan de l’école
Copie du cadastre